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Périple dans l'Australie secrète II : Aux portes du désert du APY land

Les artistes Witjiti Georges, Taylor Cooper et Gillian la manager du centre d’art de Katjiti. Photo des œuvres actuellement exposées à la galerie. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery en Juillet 2018

Les artistes Witjiti Georges, Taylor Cooper et Gillian la manager du centre d’art de Katjiti. Photo des œuvres actuellement exposées à la galerie. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery en Juillet 2018

Quelles rencontres aujourd’hui ! Après quelques 650 km de route asphaltée, puis de terre rouge en tôle ondulée, me voilà dans le APY Land.
À l’arrivée au centre d’art d’Iwantja, je vois deux voitures de police à l’entrée. Le Premier ministre de South Australia visite la communauté. Les artistes sont presque tous là. Quel plaisir de les rencontrer à nouveau. La presse, les photographes sont aussi de la partie et les flashes palpitent autour d’eux et des œuvres en préparation. Sa visite est immortalisée sur la pellicule, avec le grand artiste Alec Baker.

J’échange quelques mots forts sympathiques avec le Premier, The Hon Steven Marshall MP, qui porte un vif intérêt à ce mouvement artistique au sein du APY Land.

Il rencontré Emmanuel Macron il y a quelques semaines, la France ayant signé un gros contrat de vente de sous-marins avec l’Australie.
Il souligne que les liens y compris culturels sont forts entre les deux pays, avec par exemple plus de 140 œuvres du Musée d’Orsay actuellement exposées à Adelaide comme des œuvres de Monet... nous échangeons même quelques mots en français.

Les journalistes présents m’interviewent également pour avoir le point de vue d’un galeriste européen, sur ces artistes célébrés en Australie et à travers le monde.

Au centre d’art j’échange avec l’artiste Betty Muffler qui sera bientôt exposée à Bruxelles en novembre prochain. Devant une peinture de 3 m, elle m’explique la signification d’une de ses œuvres liée au Rêve des 7 sœurs.

Beth et Heath, les deux managers, tiennent la barre du beau navire Iwantja avec la présidente et le board des directeurs Aborigènes. Cette structure communautaire accomplit ici encore des merveilles. Leurs habits reflètent l’éclat des pigments et l’intensité créative propre à ce lieu. Nous avons en fin de journée le temps d’un bel échange sur des projets futurs en commun.

En fin de journée à Mimili Maku (accommodation), je retrouve un bébé kangaroo à qui je donnais le biberon il y à un an. Il continue de téter goulûment celui que je lui offre ce soir. Quel contraste. Dans la poche de leur mère ils tètent pendant deux ans.

Le galeriste Bertrand Estrangin retrouve un bébé vue un an auparavant et lui donne à nouveau le biberon.

Le galeriste Bertrand Estrangin retrouve un bébé vue un an auparavant et lui donne à nouveau le biberon.

Le lendemain, quelle joie de retrouver Fregon. En 2014 j’avais croisé Gillian qui est maintenant la manager du centre d’art, après Bev qui a passé ici 28 ans. Un job intense.

Je revois avec plaisir les grands artistes Taylor Cooper et Witjiti George. Il a les yeux qui pétillent, et avec plein d’humour, il est enchanté de présenter ses œuvres sur l’histoire fondatrice de la Création avec les deux serpents Wanampi. Que de merveilles ici encore.

Je revois le Premier ministre de SA qui passe en fin de journée. Nous discutons autour de ma sélection réalisée avec les artistes et Gillian, pour la future exposition à Bruxelles. Il a un bon œil et collectionne également quelques œuvres.

Ce matin avant de quitter Mimili, je suis monté sur une colline où il est autorisé d’aller. La vue sur la « vallée » de Mimili est magnifique.

En descendant sur cette pierre rouge sang, pulvérisée, carbonisée par les millions d’années d’érosion, j’ai retrouvé la coccinelle des films de mon enfance. Elle a pris quelques rides. Et les écailles de sa peintures offrent de magnifiques compositions abstraites.

Vue du APY land.

Vue du APY land.

Ce soir je dors dans l’ancienne maison du studio manager du centre d’art. À l’entrée je retrouve un papillon de nuit absolument géant. Tout est disproportionné et grandiose ici.

Les kilomètres filent et plus l’on rentre dans le territoire, plus tout gagne en intensité.
Au centre d’art, on devine toutes les mains talentueuses derrière ces pinceaux au repos. Vivement demain que la chorégraphie reprenne sur les toiles.

Périple dans l'Australie secrète : communauté de Yirrkala - Arnhem Land

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Lever au petit matin pour rejoindre Yirrkala à 750 km de Darwin. Durant une heure nous survolons la terre d’Arnhem. La densité de population est très faible ici. Pour un territoire de 97 000 km2 (trois fois la Belgique), juste 16000 habitants.
La nature vue du ciel semble intacte, primordiale, untouched.

La forêt et la mangrove en partie impénétrable est juste ourlée sur les côtes d’un fin liseré de plages jaune sable où affleure par endroit la terre rouge. Oxyde de fer des sédiments primitifs contre poussière de coquillage.

Les bras des rivières offrent des circonvolutions inattendues comme les contorsions d’un serpent géant, grand ancêtre du Temps du Rêve. Ces langues bleues infestées de crocodiles de mer, lèchent la terre et fendillent la canopé.

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L’aéroport de Gove est logé dans un mouchoir de poche et accueille tout de même des avions de taille moyenne en raison de la compagnie minière adjacente. Juste avant l’atterrissage je retrouve des souvenirs de Solvay en voyant d’immenses bassins de décantation tapissés de feuilles plastiques pour limiter les infiltrations...

Surprise, je retrouve à l’aéroport Will (manager du centre d’art) et Luke (curator du Musée de Darwin). Nous saluons Cara (curatrice du musée de Sydney) qui vient de passer au centre. L’attention des musées Australiens m’enchante quand je vois le travail qu’il reste à accomplir ici en Belgique ou ailleurs en Europe.

Finalement je laisserai mon véhicule de location pour me joindre à eux.

Au centre d’art, Joseph Brady nous présente avec Ismael un film documentaire tourné ici dans les années 30 qui reprend ses arrières grands parents. Hier en hélicoptère ils ont retrouvé le lieu exacte d’un tournage de cérémonie. Un miracle vu la végétation. Cette reconnection au territoire est toujours essentielle. Joseph développe un projet média remarquable ici avec de jeunes aborigènes. Les téra octets de vidéos, images, témoignant des premiers contacts mais aussi des événements de la communauté et sont rassemblés ici dans de grands serveurs. Le travail d’identification et les processus de reconnaissance faciale permettent de retisser les liens avec les anciens. C’est franchement prodigieux.
Sur mon GSM j’ai quelques photos d’hommes de Yirrkala apportées par le neveu d’un responsable de l’agence spatiale européenne implantée ici en 1960.
Avec Ismael, en parcourant les archives, nous arrivons à mettre un nom sur chaque visage. Les arbres généalogiques forts complexes reprennent vie.

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À Yirrkala se trouve un musée avec de magnifiques écorces anciennes des années 1980 ou un petit peu avant. Des écorces peintes rituelles de 4m de haut, qui furent dans la nef de l’ancienne eglise sont prodigieuses mais il n’est pas possible de les photographier.

Dans une petite vitrine, quelques trésors avec des tessons de poterie des peuples de Makassan. Ils attestent d’échanges entre les Aborigènes et ces peuples d’Indonésie plusieurs millénaires et certainement plusieurs siècles avant l’arrivée des hollandais en Terre d’Arnhem au 17ème siècle. Ces tessons furent retrouvés en 2002 et 2004 pas loin d’ici. Dans la soirée Will confirme que ces échanges furent importants, d’autant plus que la première grande ville proche vue de Yirrkala se situe plus en Indonésie qu’à Darwin. Il convient de changer ses perceptions.

Au centre d’art à même le sol, posée au dessus d’une barque en Eucalyptus, j’observe le travail remarquable de l’artiste Nyapanyapa Yunupiŋu. Will me la présente.
Nous nous serons la main chaleureusement. C’est émouvant. L’an passé je la voyais au Musée de Darwin devant une immense écorce peinte qui venait de recevoir un prix. Elle était sous les feux de la rampe avec des centaines de personnes autour d’elle et la presse. Aujourd’hui elle est concentrée sur son œuvre. Dans une démarche méditative elle peint avec un fin stylet et de la poussière d’ocre, une écorce dédiée au Seven Sister Dreaming. Elle ne parle pas du tout anglais. Nous échangeons un peu les yeux dans les yeux. Tant de choses passent sans mot et franchissent les barrières des cultures.
Will lui demande en langue Yolngu si je peux la prendre en photo. Elle accepte bien volontiers. Je passe un long moment avec elle. Le temps est comme suspendu. Passé, présent, futur de conjuguent dans son œuvre, par l’entremise d’une circularité millénaire.

Un peu plus loin au sol sont posés plusieurs dessins d’un formidable artiste. Ils m’évoquent les premiers dessins des années 1800. Ici avec une prodigieuse plasticité il souligne les danses rituelles et totémiques. On a l’impression que l’animal s’incarne dans le corps du danseur et que certaines postures évoquent des hiéroglyphes.

Toutes les œuvres sont déjà réservées par un musée. Ailleurs d’autres œuvres sont pour une galerie à New York ou une autre à Melbourne qui prépare un solo show. La notion de rareté est bien présente et reste un challenge pour une galerie. 
Je garde le cap et continue à préparer l’exposition de septembre à Bruxelles en sélectionnant de petits trésors.

À la fin de la journée nous nous retrouvons dans cette maison surélevée face à la mer d’Arafura. La côte en face est vierge, intacte et non touchée par l’homme. Les plages de galets vides en raison des crocodiles géants qui pourraient nous grignoter. Le soleil se couche vers 17h30. Il fait 28 degrés ce soir d’hiver.

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Ne point se fondre dans le chaudron de la mondialisation : les danses Aborigènes cinétiques

Ne point se fondre dans le chaudron de la mondialisation : les danses Aborigènes cinétiques

Les chants Aborigènes s’élèvent dans le désert sous la cadence des sticks de bois, heurtés les uns contre les autres dans un bruit claquant. Les corps s’élancent dans une danse rituelle cadencée, aux mouvements presque métalliques, où les pieds frappent bruyamment le sol. La poussière s’élève sous les pas des officiants dans un nuage invitant les esprits à la fête.