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Portrait de l'artiste Djambawa Marawili

Portrait du leader politique et artiste Djambawa Marawili. © Photo with the courtesy of the artist and Buku Art at Yirrkala.

Djambawa Marawili (1953) est un géant dans l’histoire, à la fois sur le plan politique et artistique en Australie. Il s’affirme avant tout comme un leader politique impressionnant, qui utilise l'art comme un des moyens pour diriger.

Le rôle principal de Djambawa est celui de chef du clan Madarrpa. Il est un gardien du bien-être spirituel de son propre clan et d'autres clans apparentés, et un activiste et administrateur à l'interface entre les non-aborigènes et le peuple Yolŋu (aborigène) du nord-est de la Terre d'Arnhem

En 1988, il a participé à la production de la déclaration de Barunga, qui a conduit le Premier Ministre d’Australie Bob Hawke à promettre un traité ; la Commission royale sur les morts noires en détention ; et la formation de l'ATSIC.

En 1997, en signe de révolte, Djambawa était l'un des anciens de Timber Creek qui a brûlé le plan en 10 points du Premier ministre libéral John Howard.

En 2004, il a coordonné la réclamation auprès de la Cour fédérale sur la mer en lien avec l’exposition Saltwater. Il utilise sa peinture pour montrer les dessins sacrés qui incarnent son droit de parler en tant que partie de la terre et pour expliquer les concepts de propriété Yolŋu des terres sous-marines. L’ensemble de ces démarche soulignées également dans une vidéo contestatrice  du Northern Land Council intitulée "Terry Djambawa Marawili - My Native Title", ont permis d’abouti à la décision de la Haute Cour dans l'affaire Blue Mud Bay de 2008 selon laquelle Yolŋu possédait effectivement le terrain entre la ligne des hautes et basses eaux. Ainsi Djambawa s'appuie dans ces engagements politiques, sur le fondement sacré de son peuple pour représenter le pouvoir des Yolŋu et éduquer les étrangers à la justice de la lutte de son peuple pour la reconnaissance.

En 2013, Djambawa a été nommé au Conseil consultatif autochtone du Premier ministre.

Le leader politique et artiste Djambawa Marawili lors d’une céramonie à la Biennale. © Photo with the courtesy of the artist and Buku Art at Yirrkala.

Loin des projecteurs de l'activisme, Djambawa doit remplir plusieurs autres rôles de leadership. Les principaux sont : en tant que chef de cérémonie ; en tant qu'administrateur de plusieurs organisations traditionnelles Yolŋu; en tant que chef d'une communauté isolée de 200 personnes; et en tant que père de famille avec trois femmes et de nombreux enfants et petits-enfants.

L'art fait également partie intégrante de chacun de ces rôles. De toute évidence, les desseins sacrés figurent dans une certaine mesure (secrète) dans les innombrables cérémonies de circoncision, d'inhumation, de commémoration et autres qu'il est tenu d'assister ou de diriger. En tant que directeur puis président de l'Association des artistes autochtones du Nord et du Kimberley (ANKAA) à partir de 1997, et président du Buku-Larrnggay Mulka Centre de 1994 à 2000, l'art est au cœur de sa démarche.

En 2004, il a été nommé au conseil d'administration de l'ATSIA du Conseil australien. Il a obtenu une bourse de deux ans du Conseil australien en 2003. Il a été à plusieurs reprises membre du Conseil des terres du Nord.

En 1996, Djambawa a remporté le prix de la meilleure peinture sur écorce du Telstra National Aboriginal and Torres Strait Islander Art Award au Musée de Darwin. Il est représenté dans la plupart des grandes collections institutionnelles australiennes ainsi que dans plusieurs importantes collections publiques et privées à l'étranger.

En 2009, il s'est rendu à la 3e Biennale de Moscou en Russie et y a chanté son installation de peintures sur écorce. Il a également inauguré l'exposition Larrakitj présentant 110 mâts commémoratifs de la collection Kerry Stokes à la Art Gallery of Western Australia en 2009. Cette exposition a été présentée à la Biennale de Sydney en 2010 au MCA.

L'influence artistique de Djambawa depuis le milieu des années 1990 a été monumentale. En plus d'être le pionnier d'une voie et d'une esthétique pour d'autres artistes, il a inspiré une nouvelle génération de "Young Guns" par l'exemple, l'encouragement et le mentorat direct. Toute une génération d'artistes s'est inspirée de son engagement musclé avec sa propre loi pour produire une nouvelle esthétique à la fois visuellement dynamique et spirituellement puissante. Il a plié les compositions formelles et les a moulées sur des représentations fluides de l'eau qu'elles signifiaient. Il a été le principal activiste à secouer les conventions enracinées depuis les années 1950 sur la composition de la peinture pour le monde extérieur. Il a plaidé pour un assouplissement de ces restrictions tant que l'esprit de la loi était respecté. Cela faisait partie de sa propre créativité naturelle et de son instinct pour défier le statu quo de manière responsable. Il a trouvé difficile d'être critiqué par ses aînés pour les avoir encouragés à révéler la loi profondément ancrée au cours de la revendication des droits sur la mer. Il comprenait leurs objections mais estimait qu'une attitude proactive s'imposait. Une jeune génération d'artistes a pris pour acquis les innovations pour lesquelles il s'était battu avec acharnement.

En 2010, Djambawa a reçu une médaille australienne pour ses services aux arts, aux patries et aux droits maritimes. Il a également eu l'honneur d'être nommé juge du Telstra National Aboriginal and Torres Strait Islander Art Award.

Au cours de son ascension vers le leadership dans le monde dominant en tant que chef de file des droits fonciers et maritimes, de l'administration des arts, de la politique de la patrie et de la gouvernance autochtone générale, Djambawa est également devenu de plus en plus important sur le plan cérémoniel. Il occupe maintenant un rang au sein du monde spirituel Yolŋu qui est l'égal de tous. C'est ce rôle de Dalkarra qui est à la base de son leadership et pour lequel il a été préparé depuis l'enfance.

En 2015, il a été invité par Carolyn Christov-Bakagiev à jouer un rôle à la Biennale d'Istanbul. Son art a été montré avec l'art politique séminal Yirrkala et a poussé la critique d’art Bakagiev à déclarer que peut-être cette région fournit le premier art activiste.

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© Texte & pictures with the courtesy of the artist and Buku Art

Périple dans l'Australie secrète IV : le Kimberley Australien (2014)

Je passe trois jours dans la communauté et le centre d'art de Warmun. Il m'accueille dans une chambre, dont le bâtiment fut autrefois en 1920 l'unique maison et centre de poste du lieu. Partout sur les murs du salon figurent des œuvres historiques du centre d'art.

Dans l'entrée je reste passionné par les anciennes plaques de métal des pompes à essence de Warmun, peintes par les plus grands artistes dont Lena Nyabi qui est célébrée à travers le globe et à Paris. L’architecte Jean Nouvel a repris son œuvres dans deux endroits magistraux de l’architecture du Musée du Quai Branly Jacques Chirac : la façade en béton rue de l’université et une œuvre d’elle reproduite, sur 700 m2 du tout du musée. La plus grande œuvre d’art de Paris, visible du ciel et de la Tour Eiffel. Un must !

Périple dans l'Australie secrète III : aux frontières du Great Gibson Desert

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Ce matin, après le petit déjeuner autour du feu, la journée n’a pas vraiment bien commencé.

Durant la nuit, un pneu s’est totalement dégonflé. Il est définitivement crevé et pas facilement réparable. Visiblement une pierre a déchiré la structure. Au milieu de nulle part, ce n’est pas une bonne nouvelle.

Je prends la pelle pour retirer les plantes piquantes sous le 4x4 avant de m’y glisser. Incroyable ce que nature est astucieuse pour piquer et s’agripper dans ces régions arides. Il convient de creuser afin de poser une planche en bois sous le cric. L’opération pour soulever ce 4x4 de plusieurs tonnes n’est jamais simple. Après 10 cm d’élévation, il retombe justement sur lui-même. Je recommence... Sous la planche quelques cailloux permettent de la stabiliser. Je creuse également la terre afin de faire de la place pour une des roues de rechange. Heureusement il y en a deux. Qu’elles sont lourdes... Après 1h30 d’efforts je suis enfin prêt à partir et couvert de terre et de poussière rouge.

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Dans la communauté de Mantamaru (Jamieson) il y a une messe en plein air. J’observe de loin les femmes chanter de belles mélodies en Pitjantjara. Un homme avenant m’accompagne à la maison du responsable de l’unique magasin du lieu et de la seule pompe à essence enfermée dans une caisse en métal. On est dimanche et je lui demande s’il veut bien ouvrir pour moi afin de faire le plein. Cela me coûtera 20 dollars en plus mais sans carburant je serai bloqué ici.

Il est un peu étonné de me trouver dans ce coin et encore plus quand je lui dis que je remonte vers Newman plus à l’ouest.

La route est magnifique et serpente entre les dunes de sable et les collines de pierre pulvérisées. Venant du ventre de la terre, crachées par d’anciens volcans il y a des millions d’années, elles sont chargées en minéraux et sonnent comme du métal. C’est étrange.

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Ici on fait avec les moyens du bord. Sur la route les bornes kilométriques sont d’anciens pots d’échappement élégamment peints avec juste un W pour Warburton et la distance en kilomètres qui reste à parcourir.

Au bord de la route, un 4x4 avec un couple de retraités est à l’arrêt. Je leur demande si tout va bien. Il me propose de prendre un thé ce qui est assez inattendu. Nos deux 4x4 sont de chaque côté de la piste. Nous prenons le thé debout, accoudés à leur véhicule pendant que quelques voitures ralentissent et passent au milieu en nous saluant de toutes leurs mains. Elles sont bien nombreuses avec 8 à 9 personnes qui prennent place doublant ainsi les capacités des constructeurs et sans ceinture...

Pendant une heure nous discutons géographie, sociologie et politique. Ils sont charmants et traversent l’Australie d’Est en Ouest. Je les invite à Bruxelles s’ils passent en Europe.

Un peu plus loin, une famille Aborigène me fait des signes au bord de la route. Ils ont besoin d’aide. Deux de leurs pneus sont creuvés. Ils souhaitent les regonfler. Je ne suis pas certain du résultat mais sors tout de même le compresseur à air que je branche sur la batterie. On occupe toute la route. Opération terminée. Ils s’engouffrent à au moins 10 dans la voiture et s’empressent pour arriver avant que les pneus ne soient à plat à nouveau. Ce n’est pas gagné et cela m’évoque les vidéos assez amusantes sur le « bush mécanique ».

Les nuages couvrent progressivement le ciel. Les contrastes de couleur sont assez magiques. J’espère qu’il ne pleuvra pas. Sur ces routes de terre rouge, cela peut compromettre la circulation pendant plusieurs jours...

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Au détour de la piste je vois les restes d’un chameau. Cette structure osseuse assez remarquable, probablement dévorée ici par quelques dingos sauvages, ne cesse de m’étonner. Sur une terre étrangère aux chameaux avant leur importation en Australie, la merveilleuse ADN a su utiliser les plantes endémiques du coin pour élaborer ces formes pourtant extra territoriale.

Plus loin un autre chameau heurté par un véhicule n’en finit pas de se décomposer. Je ferme les fenêtres. L’odeur est épouvantable.

À côté de la route se trouve une ancienne cattle outstation. Des poteaux rouillés et fils de fer barbelé soulignent notre propension presque insatiable à borner, délimiter, posséder le territoire. Ces notions matérielles sont tellement différentes chez les Aborigènes. Là où nous voyons une propriété privée, eux voient un espace communautaire réservé, partagé, et transmis de générations en générations en respectant l’intégrité de la nature. Là où nous transformons sans fin, eux préservent et célèbrent...

En fin de journée je vois les restes d’une maison en dur. Elle fut construite par un prospecteur minier à la recherche de pierres riches en cuivre. Un tout petit filon juste à côté.

Avec les moyens du bord il a formé des briques crues avec la terre rouge comme on le faisait en Mésopotamie il y a 6000 ans. Sans toit la maison en ruine fond au rythme des pluies comme la défunte tour de Babel que je voyais en 1997 à Babylone en Irak.

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Périple dans les déserts Australiens. Eté 2018. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin gallery.

Finalement je n’atteindrai pas ma destination souhaitée pour aujourd’hui. Qu’importe. L’idée de tout planifier devient de plus en plus étrangère. Je m’arrête un peu avant que le soleil ne tombe là où un lieu semble propice et accueillant.

Nouveau bivouac proche de Warburton. Le bois est encore plus rare qu’hier. Certaines souches décharnées sont tellement esthétiques que j’hésite à les arracher du sol. Je progresse doucement vers l’ouest. Demain je rentre dans le Gibson désert.

Je monte sur le 4x4 à nouveau pour trouver du réseau. Cela ne passe pas facilement. Je tente à nouveau.