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Voyage 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 5

Après plus de 1000 km sur les pistes du désert central, je remonte vers le nord. Le 4x4 prend des allures de voiture fantôme. Une épaisse croûte de terre ocre séchée recouvre la plaque d'immatriculation. Pratique pour les radars !

Les restes d'un chameau importé. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les restes d'un chameau importé. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Il est souvent impossible de contourner les étendues boueuses qui barrent la route.
C'est à quitte ou double. Soit cela passe, soit on reste bloqué au milieu et là c'est une autre histoire. Heureusement que je suis équipé d'un téléphone satellite.

Il faut une vigilance de tous les instants sur ces pistes peu fréquentées. Cela fait deux jours que je n'ai vu personne.
En un instant la piste rouge assez consistante se transforme en dune de sable où le véhicule semble flotter comme sur de la neige, puis redevient comme de la tôle ondulée, ou offre des creux de 50 cm de profondeur. Une vitesse réduite et le mode 4x4 sont d'une grande aide.

Les chameaux sauvages croisés un matin. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les chameaux sauvages croisés un matin. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Hier matin je fus réveillé par un troupeau sauvage de chameaux. Je suis sorti aussitôt de mon swag pour les prendre en photo. Ils n'ont aimé du tout et ont pris peur. D'abord intrigués ils se sont enfuis à toute jambe.

Plus tard dans la journée je retrouvais un chameau en pièces détachées. Chapeau à Madame nature pour ce beau puzzle. La structure osseuse est magnifique pour des pièces importées en Australie.

Une Chrysler abandonnée près d'une mine australienne. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Une Chrysler abandonnée près d'une mine australienne. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Avant hier j'ai dormi près d'une mine abandonnée. Une ancienne Chrysler des années 50 ou 60 semblait de la même couleur que les pierres extraites. Le propriétaire devait avoir de l'humour. La pierre verte, superbe en soit, était vendue aux Chinois comme du Jade.  La combine a marché un temps puis ils se sont rendus compte de la supercherie.

Les fameux rockhole d'Australie - trou d'eau dans la roche - souvent évoqués dans les peintures aborigènes© Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les fameux rockhole d'Australie - trou d'eau dans la roche - souvent évoqués dans les peintures aborigènes© Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Le soir, c'est soirée de gala. Pendant que je me réchauffe auprès du feu, les insectes sont de sortie. Certains viennent profiter à distance de la chaleur des flammes. D'autres brillent au loin dans leurs robes colorées chatoyantes. Ils ont tous des tailles impressionnantes. Les punaises sont 4 fois plus grandes que chez nous.

Sur la route aujourd'hui j'ai croisé des lieux formidables, dont des trous d'eau utilisés par les Aborigènes depuis des millénaires.
S’asseoir un instant, songer à leurs périples nomades, ressentir l'importance vitale du lieu, observer ça et là quelques pierres taillées il y a deux siècles ou 10 millénaires... C'est saisissant et émouvant !

La nature sauvage dans ces immensités désertiques australiennes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

La nature sauvage dans ces immensités désertiques australiennes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Au bord de la piste je voyais hier des branchages en forme de hutte. Recouverts d'une couverture ils ont dû servir de refuge le temps d'une nuit, ou deux, à la suite d'une panne d'un véhicule.
Quand je vois le climat australien avec ces nuits hivernales bien fraîches, je suis admiratif des capacités d'adaptation des Aborigènes qui ont su faire face aux caprices des éléments sans moyen particulier.

Je m'imprègne des lieux, de ces immenses espaces Australiens, des paysages Aborigènes si étranges, des arbres ou espèces endémiques. À chaque pas des odeurs s'élèvent du sol. Je tente de reconnaître certaines plantes en les froissant. C'est un autre univers olfactif. Pas si simple !

Paysages rocheux Australien dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysages rocheux Australien dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Ce nouveau voyage en Australie est riche de découvertes et d'apprentissages. Dans le futur il me faudra apprendre la langue des Aborigènes du APY land.
J'aimerais pouvoir mieux échanger avec eux, surtout avec les plus anciens qui ne parlent pas anglais ou très très peu.

Après la visite de 8 centres d'art si différenciés, je fais une pause avant de m'approcher du mythique monolithe d'Uluru. Ce matin je retrouve l'asphalte.

Voyages 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 4

Entrée du centre d'art de Tjala. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Entrée du centre d'art de Tjala. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Durant l'été 2016, la galerie se rendait dans l'outback Australien afin de sélectionner des œuvres et de préparer nos expositions futures en 2017.
A cette occasion, nous avons réalisé un reportage de notre périple, au cœur des territoires Aborigènes non accessibles au public.
Ce fut l'occasion d'appréhender ces paysages, de mieux comprendre la dureté de la vie nomade, de percevoir les enjeux politiques et sociétaux des communautés Aborigènes... Ces éléments forts offrent une fenêtre éclairante pour appréhender avec plus de justesse l'inclassable art Aborigène d'Australie. A travers différents épisodes, nous vous invitons à suivre nos 20 jours dans les Outstations des déserts de l'Outback.

Episode 4

Deuxième nuit à la belle étoile dans le désert Australien. La température a doublé pour friser les 10 degrés.

Je viens de passer deux jours au cœur d'un centre d'art. Les artistes ont entre 45 et 85 ans. Ils viennent presque chaque jour pour créer des merveilles avec énergie et application. Observer leurs gestes, les discussions et interactions entre eux, les individualités, ne cesse de me surprendre. L'étincelle de leur créativité pétille dans leurs yeux. Ils aiment parler de leur travail. Il me faudrait apprendre leur langue pour mieux échanger l'année prochaine.
Certains artistes parmi les âgés sont au top de leur carrière. Quand je pense que nous prenons notre retraite ici.

Entrée de la communauté Aborigène d'Amata. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Entrée de la communauté Aborigène d'Amata. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les jeunes managers du centre d'art sont formidables et totalement dévoués du matin au soir auprès des artistes Aborigènes, du taxi pour aider les plus anciens à se déplacer, au déjeuner, et à l'aide nécessaire pour leur préparer les couleurs avec lesquelles ils souhaitent attaquer la toile..
Ce partenariat et respect mutuel est comme symbiotique. Ce n'est pas toujours le cas. Mais là chapeau bas !

J'étais là le jour de la paie, moment très important chaque semaine pour les artistes.
Et pas toujours facile car comme chez nous il y a ceux qui bossent et les autres. Avec la galerie je suis ravi d'être un acteur qui soutient ces communautés éloignées. Le rôle du centre d'art est essentiel ici dans ces communautés si éloignées.

Artefacts des moments de création des artistes Aborigènes à Tjungu Palya. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Artefacts des moments de création des artistes Aborigènes à Tjungu Palya. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Beaucoup d'artistes étaient absents, occupés par des Sorry Business, période de deuil pour accompagner un proche. Elles peuvent durer jusqu'à un mois. Beaucoup de deuils récents viennent d'affecter les communautés du APY land.
Leurs nouveaux modes d'alimentation se sont pas équilibrés du tout. Cela occasionne beaucoup de maladies. De trois cuillères à soupe de sucre par trimestre sans doute ils sont passés au même régime par jour à peu près. Notre nourriture occidentale, industrielle, tue ici à petit feu. Tout comme eux nous le mesurons à peine.

Les buissons de Spinifex dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les buissons de Spinifex dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les paysages sont grandioses. Ce matin ce fut un départ pour la grande aventure, au delà des routes balisées. Elles sont à peine accessibles en 4x4 et réservent bien des surprises. Munis de mon permis et des autorisations des elders Aborigènes pour traverser ce territoire, je ne cesse d'arrêter le véhicule pour contempler ces étendues immenses et presque inviolées. La main de l'homme a été bien douce ici et n'a presque pas modifié les lieux depuis leur création. Des blocs en apesanteur semblent s'effriter comme pulvérisés par des milliards d'années d'érosion.
On me dit que certaines montagnes ici faisaient la taille de l'Himalaya. Elles culminent aujourd'hui à 1100 mètres.

Piste Aborigène vers Uluru : 280 km. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Piste Aborigène vers Uluru : 280 km. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les panneaux indicatifs aux croisements des routes rouges sont constitués de capots de voiture, ou d'un pneu égaré ou de rien du tout. Au petit bonheur la chance. Je me suis perdu pendant 50 km sur une piste avant de faire un point GPS avec le téléphone satellite et de faire demi-tour. Je partais pour 280 km de piste très difficile vers Uluru.
Ce sera une autre étape mais par un chemin plus praticable.
Heureusement que mon 4x4 dispose de deux réservoirs. En théorie il peut faire 1000 km mais en pratique je vois qu'il est bien plus gourmand.

Paysage dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysage dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Cet après midi le voyage a failli s'arrêter là. Un dromadaire s'est jeté sur mon véhicule. J'ai freiné de toute mes forces pour l'éviter. Il était immense. La collision aurait été redoutable. Après je ne sentais plus mes jambes.

Paysage avec des arbres carbonisés dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysage avec des arbres carbonisés dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Ce soir le feu crépite en écho aux insectes dont le chant ressemble aux grillons. Le lune presque pleine cache la voie lactée. Je suis à des kilomètres d'un endroit habité mais une antenne de 70 m perdue en plein désert offre une connexion data improbable pour vous envoyer ce petit message down under.

Voyages 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 3

Durant l'été 2016, la galerie se rendait dans l'outback Australien afin de sélectionner des œuvres et de préparer nos expositions futures en 2017.
A cette occasion, nous avons réalisé un reportage de notre périple, au cœur des territoires Aborigènes non accessibles au public.
Ce fut l'occasion d'appréhender ces paysages, de mieux comprendre la dureté de la vie nomade, de percevoir les enjeux politiques et sociétaux des communautés Aborigènes... Ces éléments forts offrent une fenêtre éclairante pour appréhender avec plus de justesse l'inclassable art Aborigène d'Australie. A travers différents épisodes, nous vous invitons à suivre nos 20 jours dans les Outstations des déserts de l'Outback.

Episode 3

Notre véhicule 4x4 stoppe brutalement sur la piste. Un autre véhicule a eu moins de chance, avec son pare choc qui est resté au milieu . © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Notre véhicule 4x4 stoppe brutalement sur la piste. Un autre véhicule a eu moins de chance, avec son pare choc qui est resté au milieu . © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Après plusieurs centaines de kilomètres sur les pistes non goudronnées je ne compte plus les épaves sur le bord de la route. Le danger est présent.

Par moment la route s'interrompt pour laisser la place à un bassin d'eau impossible à traverser. Il convient de freiner et de trouver un contournement par les broussailles.

Chaque fois que l'on croise un véhicule sur le bas côté, on s'arrête pour leur demander s'ils n'ont pas besoin d'aide. Cela change de nos habitudes. Aujourd'hui j'ai aidé avec mes outils un couple d'Aborigènes qui venait d'éclater un pneu sur une pierre. Sans matériel et avec le faible passage ils pouvaient patienter encore longtemps. Nous avons eu l'occasion d'échanger un moment ensemble.

Paysages Aborigènes dans le APY land. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Paysages Aborigènes dans le APY land. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Plus je m'enfonce dans ces territoires protégés accessibles avec mes différents permis, plus mon véhicule blanc au départ, se couvre de rouge et se fond dans le paysage.

Je ne fais plus le plein d'essence quand le réservoir est vide mais quand une station se présente enfin. Hier j'ai attendu 1h30 avant que celle-ci n'ouvre après le déjeuner.
La pompe est enfermée dans une cage en métal. Le pompiste vient ouvrir le cadenas puis referme le tout ensuite. Comme dans le centre d'art de Warmun visité il y a deux ans, des artistes Aborigènes du centre d'art de Fregon ont décorré la pompe.

Station d'essence décorée par les artistes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Station d'essence décorée par les artistes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Ce matin je suis allé visiter une grotte Aborigène sacrée avec le propriétaire traditionnel du territoire. J'étais très touché par son invitation. Les photos ne sont pas possibles dans ce lieu. C'était très émouvant, certaines peintures rares datent d'il y a 20 000 ans et évoquent le Temps du Rêve des 7 sœurs. Les blocs rocheux aux alentours portent les stigmates du parcours des 7 sœurs comme autant d'étape de leur voyage initiatique avant de s'évader dans le ciel. Je ne peux manquer de penser aux artistes qui expriment avec talent et délicatesse ce mythe du Temps du Rêve.

Vibration des pots de peinture dans un centre d'art Aborigène. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Vibration des pots de peinture dans un centre d'art Aborigène. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Durant l'après midi je rencontre les artistes du centre d'art de Tjala. Ce sont les artistes parmi les plus importants d'Australie. On me présente chacun. Quelle émotion de retrouver ou rencontrer les artistes comme Ray Ken, Sylvia Ken, Barbara Moore... Ils peignent avec délicatesse tout en étant pour certains d'entre eux assez âgés. Je ressent une certaine fragilité dans ce temps suspendu d'expression et suis admiratif du support apporté par les studio managers des centres d'art.

Ils me dédicacent leur superbe livre sur Tjala. Certains signent avec une écriture mal assurée et juste un prénom. D'autres avec une croix. Je suis très touché. Merci !

Prudence sur les pistes de l'APY land. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Prudence sur les pistes de l'APY land. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie