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Voyage 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 6 - Uluru

Quand les premiers hommes arrivèrent à Uluru et à Kata Tjuta (Monts Olgas), ils furent sans doute saisis par la beauté animale de ces blocs monolithes entre 1060 et 863 m de hauteur.
Leur démesure impressionne dans un océan de dunes à perte de vue.

Vue d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Vue d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Le grain des surfaces lissées comme la peau d'un lézard donne envie d'y poser la main.
Les cavités comme des yeux, des corps enchevêtrés, des traces d'un bestiaire oublié convoquent l'imagination.
A l'instar de toute les sociétés humaines, ils trouvèrent un sens, en y inscrivant les prémisses de leurs rituels et des lois du Tjukurpa, au Temps du Rêve.

Vue rapprochée d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Vue rapprochée d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Ces blocs forment un tout cohérent dans leur culture, à la fois habitat saisonnier, espace de cérémonie, grimoire scarifié dans la pierre, peint dans ses entrailles, lieu d'aboutissement et de commencement du monde.
Je tente d'oublier les hordes de touristes de la planète toute entière. Les bus qui les amènent sont blindés à l'avant pour projeter au loin les animaux qui pourraient s'y fracasser.
Les pancartes des gardiens ancestraux Aborigènes invitent à ne pas monter sur Uluru. Mais certains n'y résistent pas.

Vue rapprochée d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Vue rapprochée d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery


Mais pourquoi donc l'état Australien n'interdit tout simplement pas cette ascension ? Ailleurs il faut des permis pour accéder aux territoires Aborigènes, et des pénalités de plus de 1000 dollars sont perçues en cas de violation.
Il est bien loin le temps où des blancs ont planté un drapeau en haut d'Uluru comme sur la lune !
Les presque 400 mètres de dénivelé provoquent chaque année des accidents et des arrêts cardiaques, autant d'évènements tragiques pas neutres pour les Aborigènes.

Interdiction de monter sur Uluru. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Interdiction de monter sur Uluru. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

J'appréhendais cette rencontre après la solitude de l'outback. Néanmoins l'intensité des lieux surpasse tous les atermoiements. Les marches de 8 km autour de ces deux lieux classés au patrimoine mondiale de l'Unesco méritent le détour pour saisir le privilège d'être là au présent.

En dépit des températures bien fraîches la nuit, je ne me lasse pas des bivouacs à la belle étoile. Un sentiment de liberté, de grande légèreté. Comme le matin, ne jamais savoir où l'on passera la nuit. Il y a presque une once de nomadisme (aléatoire) dans ces pérégrinations.
Chaque soir le rituel est immuable. Trouver un lieu inspirant et rassurant pour la nuit, en pleine nature et sans artefacts de notre monde.

Détail des Kata Tjuta (Monts Olgas) © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Détail des Kata Tjuta (Monts Olgas) © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Au choix selon l'endroit, creuser le sol pour le feu, ou former un cercle de pierre. Puis ramassage du bois sans hache, avant que la nuit ne tombe.
Le feu de bois est bienvenu en cet hiver et réchauffe le côté face du corps, pendant que le dos encaisse un vent léger à 5•c. Je rêve d'un grille pain pour équilibrer l'ensemble.

Termitière de l'outback près de Kata Tjuta (Monts Olgas) - lieu d'un bivouac. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Termitière de l'outback près de Kata Tjuta (Monts Olgas) - lieu d'un bivouac. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Il n'y a pas de connexion aujourd'hui. Ce message partira un autre jour.
Je remonte toujours vers le nord en direction de Kings Canyon, avant de retourner dans une communauté Aborigène.

Voyage 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 5

Après plus de 1000 km sur les pistes du désert central, je remonte vers le nord. Le 4x4 prend des allures de voiture fantôme. Une épaisse croûte de terre ocre séchée recouvre la plaque d'immatriculation. Pratique pour les radars !

Les restes d'un chameau importé. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les restes d'un chameau importé. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Il est souvent impossible de contourner les étendues boueuses qui barrent la route.
C'est à quitte ou double. Soit cela passe, soit on reste bloqué au milieu et là c'est une autre histoire. Heureusement que je suis équipé d'un téléphone satellite.

Il faut une vigilance de tous les instants sur ces pistes peu fréquentées. Cela fait deux jours que je n'ai vu personne.
En un instant la piste rouge assez consistante se transforme en dune de sable où le véhicule semble flotter comme sur de la neige, puis redevient comme de la tôle ondulée, ou offre des creux de 50 cm de profondeur. Une vitesse réduite et le mode 4x4 sont d'une grande aide.

Les chameaux sauvages croisés un matin. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les chameaux sauvages croisés un matin. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Hier matin je fus réveillé par un troupeau sauvage de chameaux. Je suis sorti aussitôt de mon swag pour les prendre en photo. Ils n'ont aimé du tout et ont pris peur. D'abord intrigués ils se sont enfuis à toute jambe.

Plus tard dans la journée je retrouvais un chameau en pièces détachées. Chapeau à Madame nature pour ce beau puzzle. La structure osseuse est magnifique pour des pièces importées en Australie.

Une Chrysler abandonnée près d'une mine australienne. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Une Chrysler abandonnée près d'une mine australienne. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Avant hier j'ai dormi près d'une mine abandonnée. Une ancienne Chrysler des années 50 ou 60 semblait de la même couleur que les pierres extraites. Le propriétaire devait avoir de l'humour. La pierre verte, superbe en soit, était vendue aux Chinois comme du Jade.  La combine a marché un temps puis ils se sont rendus compte de la supercherie.

Les fameux rockhole d'Australie - trou d'eau dans la roche - souvent évoqués dans les peintures aborigènes© Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les fameux rockhole d'Australie - trou d'eau dans la roche - souvent évoqués dans les peintures aborigènes© Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Le soir, c'est soirée de gala. Pendant que je me réchauffe auprès du feu, les insectes sont de sortie. Certains viennent profiter à distance de la chaleur des flammes. D'autres brillent au loin dans leurs robes colorées chatoyantes. Ils ont tous des tailles impressionnantes. Les punaises sont 4 fois plus grandes que chez nous.

Sur la route aujourd'hui j'ai croisé des lieux formidables, dont des trous d'eau utilisés par les Aborigènes depuis des millénaires.
S’asseoir un instant, songer à leurs périples nomades, ressentir l'importance vitale du lieu, observer ça et là quelques pierres taillées il y a deux siècles ou 10 millénaires... C'est saisissant et émouvant !

La nature sauvage dans ces immensités désertiques australiennes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

La nature sauvage dans ces immensités désertiques australiennes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Au bord de la piste je voyais hier des branchages en forme de hutte. Recouverts d'une couverture ils ont dû servir de refuge le temps d'une nuit, ou deux, à la suite d'une panne d'un véhicule.
Quand je vois le climat australien avec ces nuits hivernales bien fraîches, je suis admiratif des capacités d'adaptation des Aborigènes qui ont su faire face aux caprices des éléments sans moyen particulier.

Je m'imprègne des lieux, de ces immenses espaces Australiens, des paysages Aborigènes si étranges, des arbres ou espèces endémiques. À chaque pas des odeurs s'élèvent du sol. Je tente de reconnaître certaines plantes en les froissant. C'est un autre univers olfactif. Pas si simple !

Paysages rocheux Australien dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysages rocheux Australien dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Ce nouveau voyage en Australie est riche de découvertes et d'apprentissages. Dans le futur il me faudra apprendre la langue des Aborigènes du APY land.
J'aimerais pouvoir mieux échanger avec eux, surtout avec les plus anciens qui ne parlent pas anglais ou très très peu.

Après la visite de 8 centres d'art si différenciés, je fais une pause avant de m'approcher du mythique monolithe d'Uluru. Ce matin je retrouve l'asphalte.

Voyages 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 4

Entrée du centre d'art de Tjala. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Entrée du centre d'art de Tjala. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Durant l'été 2016, la galerie se rendait dans l'outback Australien afin de sélectionner des œuvres et de préparer nos expositions futures en 2017.
A cette occasion, nous avons réalisé un reportage de notre périple, au cœur des territoires Aborigènes non accessibles au public.
Ce fut l'occasion d'appréhender ces paysages, de mieux comprendre la dureté de la vie nomade, de percevoir les enjeux politiques et sociétaux des communautés Aborigènes... Ces éléments forts offrent une fenêtre éclairante pour appréhender avec plus de justesse l'inclassable art Aborigène d'Australie. A travers différents épisodes, nous vous invitons à suivre nos 20 jours dans les Outstations des déserts de l'Outback.

Episode 4

Deuxième nuit à la belle étoile dans le désert Australien. La température a doublé pour friser les 10 degrés.

Je viens de passer deux jours au cœur d'un centre d'art. Les artistes ont entre 45 et 85 ans. Ils viennent presque chaque jour pour créer des merveilles avec énergie et application. Observer leurs gestes, les discussions et interactions entre eux, les individualités, ne cesse de me surprendre. L'étincelle de leur créativité pétille dans leurs yeux. Ils aiment parler de leur travail. Il me faudrait apprendre leur langue pour mieux échanger l'année prochaine.
Certains artistes parmi les âgés sont au top de leur carrière. Quand je pense que nous prenons notre retraite ici.

Entrée de la communauté Aborigène d'Amata. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Entrée de la communauté Aborigène d'Amata. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les jeunes managers du centre d'art sont formidables et totalement dévoués du matin au soir auprès des artistes Aborigènes, du taxi pour aider les plus anciens à se déplacer, au déjeuner, et à l'aide nécessaire pour leur préparer les couleurs avec lesquelles ils souhaitent attaquer la toile..
Ce partenariat et respect mutuel est comme symbiotique. Ce n'est pas toujours le cas. Mais là chapeau bas !

J'étais là le jour de la paie, moment très important chaque semaine pour les artistes.
Et pas toujours facile car comme chez nous il y a ceux qui bossent et les autres. Avec la galerie je suis ravi d'être un acteur qui soutient ces communautés éloignées. Le rôle du centre d'art est essentiel ici dans ces communautés si éloignées.

Artefacts des moments de création des artistes Aborigènes à Tjungu Palya. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Artefacts des moments de création des artistes Aborigènes à Tjungu Palya. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Beaucoup d'artistes étaient absents, occupés par des Sorry Business, période de deuil pour accompagner un proche. Elles peuvent durer jusqu'à un mois. Beaucoup de deuils récents viennent d'affecter les communautés du APY land.
Leurs nouveaux modes d'alimentation se sont pas équilibrés du tout. Cela occasionne beaucoup de maladies. De trois cuillères à soupe de sucre par trimestre sans doute ils sont passés au même régime par jour à peu près. Notre nourriture occidentale, industrielle, tue ici à petit feu. Tout comme eux nous le mesurons à peine.

Les buissons de Spinifex dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les buissons de Spinifex dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les paysages sont grandioses. Ce matin ce fut un départ pour la grande aventure, au delà des routes balisées. Elles sont à peine accessibles en 4x4 et réservent bien des surprises. Munis de mon permis et des autorisations des elders Aborigènes pour traverser ce territoire, je ne cesse d'arrêter le véhicule pour contempler ces étendues immenses et presque inviolées. La main de l'homme a été bien douce ici et n'a presque pas modifié les lieux depuis leur création. Des blocs en apesanteur semblent s'effriter comme pulvérisés par des milliards d'années d'érosion.
On me dit que certaines montagnes ici faisaient la taille de l'Himalaya. Elles culminent aujourd'hui à 1100 mètres.

Piste Aborigène vers Uluru : 280 km. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Piste Aborigène vers Uluru : 280 km. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les panneaux indicatifs aux croisements des routes rouges sont constitués de capots de voiture, ou d'un pneu égaré ou de rien du tout. Au petit bonheur la chance. Je me suis perdu pendant 50 km sur une piste avant de faire un point GPS avec le téléphone satellite et de faire demi-tour. Je partais pour 280 km de piste très difficile vers Uluru.
Ce sera une autre étape mais par un chemin plus praticable.
Heureusement que mon 4x4 dispose de deux réservoirs. En théorie il peut faire 1000 km mais en pratique je vois qu'il est bien plus gourmand.

Paysage dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysage dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Cet après midi le voyage a failli s'arrêter là. Un dromadaire s'est jeté sur mon véhicule. J'ai freiné de toute mes forces pour l'éviter. Il était immense. La collision aurait été redoutable. Après je ne sentais plus mes jambes.

Paysage avec des arbres carbonisés dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysage avec des arbres carbonisés dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Ce soir le feu crépite en écho aux insectes dont le chant ressemble aux grillons. Le lune presque pleine cache la voie lactée. Je suis à des kilomètres d'un endroit habité mais une antenne de 70 m perdue en plein désert offre une connexion data improbable pour vous envoyer ce petit message down under.