Exposition d’art Aborigène “Between Salt & Ochre — Painting the Sea, Revealing Country (Tiwi)” - Aboriginal art from Australia
En association avec les artistes du centre d’art de Munupi et Jilamara.
A la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles.
Vernissage sur RDV le mercredi 22 octobre de 14h30 à 21h30.
A 20h - discours du directeur de la galerie et drink.
RSVP - réserver votre visite
Ensuite la galerie vous reçoit sur RDV, du jeudi 23 octobre septembre au samedi 15 novembre 2025, du mardi au samedi, de 11h à 19h : vous pouvez également réserver votre visite dés à présent dans notre agenda ici.
“Between Salt & Ochre — Painting the Sea, Revealing Country (Tiwi)”
Entre sel et ocre, la mer et la terre respirent d’un même souffle.
Sur les Tiwi Islands, au nord du continent australien, la vie et la création sont indissociables du mouvement des marées, du vent et des cycles lunaires. Ces îles, situées dans l’Arafura Sea, abritent deux centres artistiques — Munupi Arts et Jilamara Arts — où la peinture, la sculpture et la transmission orale s’entrelacent depuis des générations. Ici, peindre, chanter ou sculpter n’est jamais un simple geste esthétique : c’est une manière de maintenir le monde en équilibre, de le réactiver à chaque trait d’ocre.
La mer comme mémoire
La mer, omniprésente, est à la fois origine, passage et résonance. Dans les œuvres de Carol Puruntatameri, le récit de Purrukupali — premier homme endeuillé — s’étend comme une houle mythique : son fils Jinani meurt sous le soleil, sa femme Bima se perd dans les mangroves, et la mer les engloutit à jamais. Trois jours plus tard, son frère Tapara devient la lune. Ce mythe, premier deuil et première métamorphose, est un axe fondateur de la pensée Tiwi.
Peindre la mer, c’est convoquer cette mémoire : la disparition, le retour, le rythme des marées et des lunes qui ne cessent de rejouer le drame de la vie et de la mort.
Delores Tipuamantumirri fait danser les Winga, les vagues qui portent le sable, transforment la côte et redessinent le pays. Dans ses toiles, l’eau n’est pas simple décor : elle est force agissante, souffle qui sculpte le monde et relie les vivants à leurs ancêtres.
Peinture de l’artiste Delores Tipuamantumirri - Winga (Tidal Movement / Waves) - 180 x 120 cm - 22-144. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of the artist and the art centre.
Les cycles du monde
Chez les Tiwi, tout est cycle : celui des marées, du feu, de la lune, des saisons, et de l’âge humain.
Le Kulama, cérémonie d’initiation et de fertilité, rythme cette continuité entre les êtres et la nature. Lidwina Tepomitari, Tina Patlas et Conrad Kamilowra Tipungwuti évoquent cette fête de la fin des pluies, marquée par l’apparition d’un halo jaune autour de la lune — signe que le temps est venu de chanter, d’appeler les ancêtres, de partager le yam ocre et de le frotter sur les corps. Les cercles concentriques, les points (pwanga) et les croissants qui traversent leurs toiles sont les empreintes visuelles de ces danses cosmiques. Ils traduisent une conception du monde circulaire : le commencement et la fin s’y confondent, comme la mer qui se retire pour mieux revenir.
Peinture de l’artiste Conrad Kamilowra Tipungwuti - Kulama ceremonies - 108 x 37 cm - 103-24. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of the artist and the art centre.
Peinture de l’artiste Kaye Brown - Yirrinkiripwoja (body paint design) - 109 × 41 cm - 499-23. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of the artist and the art centre.
Peinture de l’artiste Timothy Cook - Japarra - 90 x 24 cm - 359-18. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of the artist and the art centre.
Les corps peints, la loi et la transformation
La peinture Tiwi plonge ses racines dans le corps et le rituel.
Sur les îles, les motifs yirrinkiripwoja — points, lignes, réseaux de hachures — sont appliqués sur les danseurs lors des cérémonies Yoi et Pukumani. Les artistes Christine Puruntatameri, Virginia Galarla, Kaye Brown et Pedro Wonaeamirri perpétuent cette esthétique du corps transformé. Leurs œuvres, réalisées à l’ocre naturelle, rappellent la puissance du geste rituel : peindre, c’est devenir autre, traverser la limite entre visible et invisible. Le mot Pwoja, qui désigne le peigne en bois servant à appliquer les points, signifie aussi “le meilleur” — comme si, dans cette culture, la beauté et la justesse étaient des formes de vérité.
Jacinta Lorenzo reprend les motifs des tutini, poteaux funéraires peints pour le Pukumani, cérémonie d’adieu et de passage. Ces lignes géométriques, héritées d’avant la colonisation, disent la continuité d’un monde où le rituel ne s’est jamais interrompu.
Peinture de l’artiste Pedro Wonaeamirri - Pwoja-Pukumani Body Paint Design - 96 x 39 cm - 444-24. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of the artist and the art centre.
Peinture de l’artiste Jacinta Lorenzo - Yirrinkiri Jilamara- 150 x 120 cm - 136-17. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of the artist and the art centre.
Les éléments — feu, soleil, étoiles
Le feu, Yikwani, joue un rôle essentiel dans la vie Tiwi.
Thecla Bernadette Puruntatameri peint sa lumière et sa chaleur : feu de camp, feu de chasse, feu qui nettoie et régénère la terre.
Dans les récits anciens, c’est Murtankala, la vieille femme des profondeurs, qui fit naître la lumière en frottant deux branches, puis leva la flamme vers le ciel pour créer le soleil (Warnarringa).
Conrad Tipungwuti rend hommage à ce geste primordial, reliant la terre et le ciel, la cendre et la clarté — l’ocre rouge brûlée devenant l’image même du feu originel.
Peinture de l’artiste Thecla Bernadette Puruntatameri - Yikwani - 180 x 120 cm - 23-27. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of the artist and the art centre.
La nuit, le ciel s’anime d’un autre langage.
Kalisha Lee Austral et Lucinta Puruntatameri peignent Yamparriparri, l’étoile filante, symbole du lien familial et du souvenir.
Elles évoquent les nuits passées à dormir sous les constellations, écoutant les récits des anciens. Dans leur peinture, l’espace cosmique devient un territoire de mémoire et de transmission.
La couleur bleue — modernité introduite avec respect et autorisation des aînés — élargit la palette traditionnelle pour embrasser la profondeur du ciel.
Tisser, protéger, relier
Jane Margaret Tipuamantumirri tisse les Pamijini, brassards rituels en pandanus teints de pigments naturels, portés lors des danses.
Ces parures protègent des mapurtiti (esprits) et incarnent la continuité des gestes féminins — la patience, le soin, la relation au pays.
Ici encore, la fibre devient peinture, le tissage devient prière.
Peinture de l’artiste Jane Margaret Tipuamantumirri - Ampitji - 90 x 70 cm - 25-68. © Photo : Aboriginal Signature Estrangin Gallery with the courtesy of the artist and the art centre.
Between Salt & Ochre réunit les voix de deux communautés — Munupi et Jilamara — pour offrir une vision unifiée du monde Tiwi : une peinture de la mer, du corps et du cosmos. Les œuvres réunies révèlent la puissance d’une esthétique où chaque forme est porteuse d’histoire, chaque couleur un fragment de terre ou de lumière.
Entre le sel et l’ocre, les artistes Tiwi nous rappellent que créer, c’est se souvenir, transmettre et célébrer la vie qui circule entre les éléments. Peindre la mer, ici, c’est peindre le monde — et dans chaque point d’ocre, dans chaque ligne, résonne le battement du Country.